MA ROQUINERIE

"laissez l'onde aller légère aux sources du souvenir...c'est là que se trouve le meilleur à venir" kb

mercredi, septembre 28, 2005

Transcendons mes frères...et mes soeurs

Lorsque l'on demandait à Dürckheim quel était le chemin qui conduisait à l'expérience de la transcendance, il répondait : "c'est le chemin de l'exercice..."

"l'exercice", un terme qui contient en lui même tout un paradoxe. A la fois le mouvement et la contrainte.

On nous a tant imposé d'exercices de toutes sortes que nous résistons immédiatement à la seule évocation de cette voie. J'ai toujours pensé, et cela reste un avis très subjectif, que la voie vraie qui mène vers la transcendance est une voie dépuration et de simplification. On enlève des obstacles, on n'ajoute pas de pouvoirs extraordinaires.

Or dans notre environnement (je parle pour ceux qui habitent le Maroc),très imprégné de mysticisme dans lexercice du culte, il est souvent très difficile, pour la grande majorité, de faire la part des choses et d'essayer d'envisager autrement que de manière passive l'enseignement religieux, seule voie reconnue légitime menant vers cette transcendance. Nous pratiquons le culte comme on regarderait la télévision. Les acteurs ne sont pas vraiment nous... juste une projection idéalisée et difficilement réalisable. Et pour cet état de choses j'incrimine jusque au coup les engagés de la cause religieuse dont le discours, abscons pour la plupart, ne s'adresse pas à nous mais à notre encontre, amenant la vérité simple à arpenter les chemins de l'extraordinaire pour la rendre quasiment inaccessible dans son essence spirituelle.

Un discours qui enferme l'Islam dans le "carcan" de l'histoire, anéantissant du même coup son potentiel d'émancipation. Pourtant l’Islam prévoit des moyens rationnels pour une mise à jour constante. Ces moyens ont été ignorés, a dessein, depuis des siècles et le demeurent encore. Si le "message" est divin, le discours de la chose religieuse n'en est pas moins prôné avec un lot d'imperfections et de manipulations sous-jacentes. Un discours accordant un souci démesuré à relater le passé glorieux d'hommes ayant accompli des faits extraordinaires devant lesquels toute tentative d'élévation spirituelle de notre part dénote par son dérisoire. Un discours de juge connaissant déjà le verdict et non un discours de guide dans la quête de notre être essentiel. Avec une telle approche qui place très haut la barre d'accès à la reconnaissance divine, le discours perd de sa rationalité et résonne plutôt creux sur les cordes sensibles de notre âme qui instinctivement le perçois comme un rejet de son appartenance à part entière à cette force cosmique qui régit l'univers, acculant les esprits faibles soit à des attitudes extrémistes, en vue d'une reconnaissance divine, consistants à brûler les étapes de l'exercice "nécessaire" à l'élévation spirituelle, soit à simplement tourner le dos à la "chose" religieuse vers un autre moyen "nihiliste" plus en mesure de satisfaire la soif d'accomplissement de leur être.

Il est tout à fait normal qu'une telle approche, entamée depuis longtemps déjà, ne peut que mener l'islam, dans sa manifestation "essentielle", vers une régression constante. Force est de constater l'état de nos pays pour en avoir un large aperçu....


kb...layali chaabane

mardi, septembre 27, 2005

Grisaille

"grisaille" Toile de Martine Baour








c'est à l'aube, lorsque le froid nous revêt sous les draps de nos formes fœtales, que nos rêves qui détalent au grincement d'un fauteuil, réveillent d'un sursaut maladroit tous ces bris de conscience qui ne dormaient que d'un œil.
On se love un peu plus à s'embuer les genoux, les yeux grands ouverts derrière nos paupières serrées si forts pour retenir un dernier morceau de rêve, fruit de nos anciens remords...un tout petit moment de trêve. mais l'assaut est si fort qu'il nous prend au ventre, avancé dans l'heure, nous faisant nous lever, même à contre cœur.

kb...mâtin gris

lundi, septembre 26, 2005

La peur du loup



Il est vrai qu'au Maroc, le substrat d'une mouvance progressiste est "là" bien que larvé, mais bien présent et pressenti contradictoirement par un phénomène de non adhésion, ou plutôt de rejet, de toute forme classique d'institutionnalisation.
Cette "néo-mouvance" qui remet en cause la crédibilité des partis politiques, qui pour le moment seulement, met en "stand-by" l'alternative "islamiste" (car elle pourrait bien y avoir recours...cela dépendra de l'évolution des choses), qui ne s'identifie plus à la vision "makhzenienne", prolifère encore de façon anarchique sur des chemins alternatifs qui échapperont bientôt à toute forme de contrôle institutionnel tel que nous le connaissons jusqu'à présent.
Il est clair que le Roi ayant pressenti cette perte de contrôle à tenté de récupérer à son actif cette mouvance naissante coupant du même coup l'herbe sous les pieds du "makhzen" et des "islamistes", qui dans leur bras de fer à contrôler ce mouvement "moderniste" ne font en fait que le marginaliser encore plus avec tous les risque que cela engendre.
Dans son discours de juillet dernier, Mohamed VI semble inscrire sa réflexion exclusivement dans le champ démocratique et l’état de droit. Point de menace, point de bâton, il faut en prendre acte…il exhorte la société civile et les partis politiques à se mobiliser, dès maintenant, pour créer une dynamique forte en faveur de la démocratie active et de la prise en charge collective des problèmes cruciaux qui minent la société marocaine....encore faut-il que cette néo-mouvance prenne pleinement conscience de ses potentialités et que naisse le déclic qui la fera converger dans la bonne direction
Mais voilà : notre pauvre société civile à laquelle on fait constamment appel est dans un tel état d'égarement qu'elle se trouve dans l'incapacité totale de créer cette synergie nationale, capable d'endiguer les deux courants qui se la disputent à savoir l'islamisme et le makhzen, ne sachant plus très bien lequel d'entre eux est le loup. Bien entendu ce n'est pas les initiatives qui manquent (les actions individuelles et collectives se multiplient en faveur de l’émancipation des femmes et des hommes) mais la dispersion est telle qu'elle se retrouve toujours dans l'incapacité à dégager un substrat idéologique commun pour la souder. Donc pas de formation politique hégémonique pour fédérer ses actions, et surtout pour drainer les foules et les suffrages ; pas de projet politique commun pour générer une dynamique nécessaire décisionnelle . Elle ne semble même pas avoir un enjeu commun : elle a juste peur de l’islamisme...faut-il encore qu'il soit ce loup.


kb...agneau silencieux

vendredi, septembre 23, 2005

Embruns


laisse les mots aller

laisse les mots aller
où se roule et se creuse ton cœur
le jour à la nuit emmêlé
dans tes yeux firmament de douceur
laisse ton cœur aller
sur l'embrun en couleurs
de la brise envolées
sur ma peau de douleur
laisse ton corps aller
sur le mien naufragé solitaire
quand tes vagues qui me saoulent
éternisent la mer...



Le mât de misaine

Quand du tumulte des mots
Sur nos sens en écueils
Renaîtra la rivière
Je remettrai à flots
Mon radeau
Astiquerai mon cœur
Et m’en irai fier
Toutes voiles dehors
Vers tes rivages
Où le sable d’or
Sur ton doux visage
Raconte l’aurore

Quand tu seras louve
Je me ferai pierre
Pour servir de gué
A tes pas feutrés
Ondes sur ma peau
Où tu viendras boire
Jusqu’au dernier mot
Mon amour en lierre
Qui sur mon radeau
Tient au mât de misaine
Je te ferai mer
Et moi capitaine

kb...la vague au coeur emmêlés

mardi, septembre 20, 2005

ANNONCEURS/ PRESSE : Des chèvres et des choux


Durant ces dix dernières années, un tas de revues spécialisées ont tenté de voir le jour au Maroc mais ont du rapidement mettre la clef sous le paillasson à cause d'un lectorat majoritaire (celui qui renfloue les caisses et assure la pérennité de toute activité médiatique)qui présente des signes de fatigue évidents au bout de la dixième ligne d'un article.
Loin de moi l'intention de défendre le journalisme "bovin", mais force est de constater que le taux d'analphabétisme "en vigueur" ( oui messieurs dames...en vigueur.. puisque voulu et maintenu dans son état actuel) limite en conséquence une production qualitative journalistique. J'ai souvent vu des représentants de ce lectorat potentiel se mettre à trois pour lire en une demie journée cet article que vous allez, bons comme vous êtes, parcourir dans tous les sens que nous offre la géométrie euclidienne en moins de cinq minutes, pour essayer d'en comprendre le contenu avec une marge d'erreur de 30 à 50%.
N'ont résisté des zouaves de l'histoire au jour le jour que ceux ayant su mettre une bride à leurs élans rhétoriciens quand la marge bénéficiaire l'imposait.
Un des autres secrets assurant la longévité médiatique aux feuilles de choux et emballages à salades est de savoir préserver les susceptibilités des "gros" annonceurs. Y a-t-il sur le marché un journal à gros tirage capable de critiquer ouvertement I.A.M? Y a-t-il sur le marché un journal à gros tirage capable de critiquer ouvertement RAM? Vous pensez bien que non. Ces professionnels de l'information ont tout de même des principes :"ne pas mordre la main de ceux qui les nourrissent" quand bien même cela se fasse au détriment des règles déontologiques régissant la profession et de la vérité tout simplement...et puis la vérité qu'en ont à faire cette majorité d'illettrés!
Pourtant il y avait beaucoup à dire sur la cession de Maroc Télécom suivi de la mise sous tutelle exogène de l'ANRT qui venait mettre la tête sur le billot à notre patrimoine "allôtique". Nous n'avons plus aucun pouvoir décisionnel sur nos propres télécommunications et personne ne s'aventure à commenter le côté pernicieux de la chose.
Il y aussi beaucoup à dire sur la RAM et le conflit actuel en train de miner l'industrie aéronautique dans notre pays. Personne de la presse nationale n’accorde toute l'importance qu'il se doit à ce mouvement de grève entamé maintenant depuis près de trois mois et qui semble s'être engagé dans une ornière, avec toutes les conséquences néfastes induites. Sans m'étendre sur la part des responsabilités qui incombe à chacune des deux parties dans l'état actuel des choses, je me limiterai à dire que la presse aurait pu, par une intervention "impartiale" plus adéquate, servir de catalyseur à ce dialogue en rupture qui mène immanquablement l'issue du conflit vers une situation où il n'y aura que des perdants.
D'autant plus qu'une telle initiative – un devoir national - loin de s'apparenter à une morsure, aurait au contraire rendu un grand service à tout le monde.
Faut-il donc que nous soyons devenus chèvres pour que l'on continue à nous gaver de ces feuilles de choux?

kb...de la gazette du bovin

jeudi, septembre 15, 2005

Le deuxième meurtre de Omar ou les involutions de la victimisation

J'ai assisté il y a quelques mois aux premières émissions télévisées consacrées au lever du voile sur les années de plomb. J'ai regardé, la rage refoulée au ventre, la succession des témoignages, pathétiques et douloureux de ces pauvres victimes qui portèrent soit disant atteinte à la sécurité de l'état, entrecoupée par les explications de monsieur Benzekri qui dans un discours à la résonance absconse nous clarifiait les vertus du pardon.

Le pardon! Un principe qui n'a l'air de rien - en fait il implique un renversement total des principes de notre droit. Et ce renversement n'est pas seulement juridique, il est éthique et même métaphysique. Comme dans La République de Platon, il ne s'agit de rien de moins que des fondements de la justice. Un pardon, dont la promotion se fait insulte, érigé cyniquement en condition sine qua non à l'édification d'un état de droit.

Il est indéniable que dans les années de plomb dont l'histoire reste à écrire il y a eu "trahison" une première fois. En regardant les témoignages je ne pus m'empêcher de me rappeler que des choses graves se sont passées dans les années soixante dix , période où la brutalité policière a contraint les intellectuels à battre en retraite, à ne plus se mêler de la chose publique. Assurément ! Sans vouloir mythifier cette décennie -, il faut admettre qu'il s'est passé là une sorte de crime contre l'intelligence. Schématiquement, on peut affirmer que, tout au long des années 80 et 90, les intellectuels les plus honnêtes, ceux dont la conscience n'était pas à vendre, ont dû ronger leur frein et se résoudre à la désapprobation silencieuse, tandis que les plus dociles, promus par une savante politique d'inversion des valeurs, tenaient le haut du pavé.
Je crains fort que ce ne soient ces mêmes intellectuels qui jalonnent à coup d'absolution la transition vers l'état de droit, n'hésitant pas parfois même à "victimiser" l'état lui même dans cette affaire.

L'état à trahit une première fois son essence constitutive à savoir le "citoyen" qui ne faisait qu'exercer ses différents droits en matière d'expression sociale (opinion, grève...etc)
En instaurant le pardon en levier d'accès à l'état de droit, l'état nous trahit une deuxième fois en bafouant notre droit élémentaire à une application équitable de la justice. En agissant ainsi l'état assassine une seconde fois tous ces "chouhadas" qui sont en passe d'être mort pour presque rien.

Dans un tel contexte qui d'entre nous pourrait encore croire que l’état représente le bien ? Qui pourrait encore croire en l'équité de sa justice et que ses serviteurs sont au service de la nation et du peuple ? Quasiment personne, pas même ceux qui, profitant du système, ont mis main basse sur les richesses du pays.

Accessoirement, si le principe du pardon est adopté, et il est fort à craindre qu'il le soit, ce sera le triomphe de ce bain d'injustice dans lequel nous trempons de gré ou de force du matin au soir - autant dire, en l'occurrence, de ce bain de boue : mais celui-là ne guérit pas des rhumatismes, il en donne au contraire, des rhumatismes de l'équité, qu'on voit gênée à toutes les entournures, ses pauvres articulations de plus en plus roides, elle-même un malheureux assemblage rouillé de calcifications douloureuses.

On l'a remarqué mille fois : il suffit de se livrer à quoi que ce soit qui puisse passer pour ressembler de près ou de loin à une défense du "droit"; il suffit de manifester un peu le souci qu'inspire son état ; il suffit de paraître déplorer l'appauvrissement de son action, son inexactitude croissante et le délabrement de sa syntaxe même, dont la plupart des escaliers sont effondrés, et ne servent plus que de supports à graffiti ; il suffit de dire ce qu'on voit, ce qu'on entend, et ce qu'on lit, et d'en juger sans enthousiasme, pour que tous les jolis singes de Cour, en grande tenue d'Amis du désastre, perruque sociologique au front, épée médiatique au côté, décorations linguistiques au plastron, se lancent dans leur ballet décoratif et guerrier au milieu des décombres, et vous désignent à la foule avec des cris perçants pour l'exciter contre vous, dénoncé que vous êtes comme un conservateur à tout crin, un farouche réactionnaire, un comploteur extrémiste, champion intolérable (et criminel, il va sans dire, n'oublions pas criminel) de la fermeture au monde, de l'exclusion de l'autre, du repli suicidaire sur soi. Les plus sincères de ces fagotins ne doutent ni de leur bon droit, au demeurant, ni de leur succès. Au fond du cœur ils sont vraiment persuadés qu'un droit livré à lui-même, soumis à tous les outrages, soustrait à tout examen, tout diagnostic sur son état, toute réflexion sur ce qu'il est, sur les moyens dont il dispose et sur ce qu'elle va devenir, sans autre distraction que son invention irraisonnée et bientôt gâteuse, une justice sans autre, en somme, sans médiation dans ses rapports avec le monde, sans contrat d'aucune sorte, sans règle ni instance de régulation, sans respect de code, sans mémoire, sans cohérence, aussi sincère en son babil qu'ils le sont eux-mêmes, ils sont vraiment convaincus, dis-je, qu'une telle conception va leur ouvrir des mondes nouveaux, leur découvrir des trésors de sensations inconnues, affiner les sensibilités, que sais-je, faire progresser la connaissance, la réflexion et la vertu et enfanter par on ne sait quel miracle le "pardon".

Peu leur importe que ces belles espérances soient tous les jours déçues, et combien cruellement maintenant par le témoignages de ces pauvres bougres qui croyaient en leur statut de citoyen à la marocanité indiscutable. Peu leur chaut qu'expose chaque jour plus clairement sa trame, et d'abord sur tous les écrans du pays, la société débile, violemment imbécile, imbécilement violente, que leur dessine ce droit-là, du bout de sa canne sur les gravats. Ce pauvre droit aux jointures prêtes à rompre, et qui n'a plus à sa disposition que quelques gestes courts et pourtant controuvés, ils refusent de remarquer son épuisement, quand il se traîne sur les trottoirs, à l'aide d'un déambulateur, les jours où il se risque à sortir encore. Dans la prostration où il est, il n'est plus de grande utilité à l'esprit, qui ne voit que par ses yeux presque éteints et couvre si peu de terrain à ses côtés, désormais, qu'il n'a plus grand chose à dire et ne sait comment le faire, bégaie, radote et se trouve lui-même réduit à l'état de victime,

Ce stade ultra-rhumatisant du droit, qui gagne comme il peut, lors de ses courtes promenades, quelques lieux sûrs de l'équité, platitudes instituées où il sait qu'il pourra souffler, a-t-on remarqué qu'il ne l'observe presque jamais si tristement, ces temps-ci, qu'aux alentours de cette grande affaire "judiciaire" que devraient être les années de plomb, des drames publics et privés qui la précédèrent, et des arrêts qui devront en être l'issue ? Qu'il me suffise de citer les illustrissimes et inévitables : «Mais déjà la tristesse fait place à l'indignation» (l'accablement à la colère, le chagrin à la fureur, peu importe) et, non moins automatique : «C'est comme si les chouhadas étaient assassinés une deuxième fois». Tout journaliste envoyé à une quelconque bourgade, à l'occasion des inondations, n'aura pas fait son travail tant que n'aura pas placée au journal du soir la phrase sacrée, qui établit que tout est dans l'ordre : «Mais déjà la tristesse fait place à la colère». Et toute mère qui à la sortie du tribunal où par malheur l'assassin ou le tortionnaire présumé de son enfant aura été déclaré irresponsable, ou, pire encore, innocent, toute mère qui alors ne dira pas distinctement, elle, «C'est comme si omar était assassiné une deuxième fois» (les chouhadas assassinés s'appellent toujours omar, allez savoir pourquoi), toute pareille mère sera une mauvaise mère.

Laissons de côté pour l'instant la colère qui succède nécessairement à la tristesse, bien qu'elle pose de très intéressantes questions sur le concept de responsabilité parmi nous. Article responsable, pour le Dictionnaire des idées reçues : qu'il faut à tout prix qu'il y en ait un, car comment commencer sans lui son travail du "pardon" ?

Concentrons-nous plutôt, un instant, sur ce deuxième meurtre des chouhadas. Il va sans dire, ou plutôt il devrait aller sans dire, que l'horreur du destin d'un omar (juste pour personnifier le chahid) ne m'est que trop sensible ; et que j'ai le plus grand respect pour la douleur épouvantable de ses proches . Mais justement : c'est à cause de la claire conscience où je suis, trop claire, de l'horreur du destin de Omar et de la douleur de ses proches, que je butte sur la phrase rituelle, trop rituelle. Le deuxième meurtre de Omar, il faut bien voir que ce n'est pas seulement un effet du droit, c'est le droit lui-même, le droit qui parle et qui ressent (dans cet ordre), quand il n'est plus qu'arthrose, bain de boue, fontaine pétrifiante, stéréotype, passion de la répétition et de la conformité au type. Le deuxième meurtre de Omar, c'est la forme du pardon dicté par un droit qui ne peut plus bouger, qui n'a plus d'autre et plus de jeu.

Le pardon est fils du droit, comme tout le reste - ce qui ne veut pas dire, hélas, qu'il n'a pas sa vie à lui, bien entendu. Mais il doit beaucoup à ce père abusif, et lui ressemble comme deux gouttes d'eau, au moral. Après tout c'est lui qui l'a élevé. Et depuis qu'il est devenu conformiste et paresseux, qu'il ne fait plus aucun effort pour s'habiller un peu, qu'il se laisse aller de toutes les façons possible, conformément aux conseils des Amis du désastre, qui l'assurent tous les jours qu'il est très bien comme il est, que ce peignoir à ramages tâché de crème à démaquiller (lui qui ne se maquille plus !) et percé de brûlures de cigarette, cette serviette de bain nouée en turban et ces babouches sont ce qui lui donne l'air le plus jeune, lui, le fils, le pardon, se présente à vous comme il était, vous parle avec le plus grand naturel quand vous l'interviewez pour votre micro-trottoir, et ne va pas se gêner pour vous ni pour personne. Ça pour être nature il est nature, c'est-à-dire qu'il connaît par cœur tous les microsillons du gramophone, et qu'il les récite à merveille. Loin de moi d'insinuer, notez-le bien, qu'il n'est pas sincère. C'est tout le contraire : sincère il ne l'est que trop. Sa sincérité c'est le rhumatisme, la gêne aux articulations, la calcification de ses phrases et de sa façon de vivre, d'être vécu.

Le deuxième meurtre de Omar, c'est bien sûr une forme de pardon, et respectable comme telle, évidemment - mais qui abuse, un peu, tout de même, du respect dû à la douleur quelle qu'elle soit.

Le deuxième meurtre de Omar, il faut bien le dire, c'est une convention de langage, et non pas de la bonne espèce, mais de celle qui ne sait même pas qu'elle est une convention.

Que dit cette phrase consacrée, en effet ? C'est presque inimaginable : elle dit que le pardon ou si vous préférez l'acquittement de l'accusé (il n'y a pas de véritables preuves contre l'état), cet acquittement, cette libération, ces circonstances atténuantes, cette peine trop légère à leur gré, eh bien c'est une douleur aussi grande, pour les proches d'un chahid tué, que la perte qu'ils ont subie. Il y a là l'implication, passablement explicite, même, d'une sorte d'équivalence dans l'atroce. En revanche la condamnation, et dans l'idéal la condamnation à mort, la meilleure, la plus précieuse on peut le supposer, serait une sorte de dédommagement. A ce dédommagement la victime a droit. Et pourquoi y a-t-elle droit - les stéréotypes se répondent les uns les autres, et font système, pour parler comme les intellectuels "poser-problème" - ? La victime y a droit parce qu'elle en a besoin, pour le bon succès de son travail du pardon.

S'il se trouve que l'assassin est dément, les parents de la victime sont frustrés. Il n'y a pas de condamnation, comment pourraient-ils faire leur travail du pardon ? M. Benzekri, dans sa noble attention à la rumeur du peuple et du pardon, veut offrir à ces infortunés un lot de compensation - une compensation à la compensation, en quelque sorte. Ils auront droit tout de même à un procès de l'irresponsable : c'est mieux que rien...


Or je crois exagérer à peine en posant ici que c'est toute la tradition juridique qui est renversée par ce changement de perspective. Car jusqu'ici, qu'on sache, les procès des criminels, et leur condamnation éventuelle, avaient pour objectifs d'assurer la tranquillité de la société, autant que faire se pouvait, et le châtiment des coupables. Il ne s'agissait pas officiellement, d'offrir aux victimes et à leurs proches une espèce de compensation pour les maux qu'ils avaient subis, et de consacrer une espèce de droit qu'ils auraient eu à l'œil pour l'œil, à la dent pour la dent (ou à défaut à la dent pour l'œil). Il va sans dire que je pense ici aux procès pénaux, nullement à leurs éventuels à-côtés civils et financiers : on estimait (dans un tout autre système de pensée, et qui semble-t-il arrive maintenant à épuisement) qu'il eut été obscène, indigne, insultant pour les victimes et pour la mémoire des morts, même, qu'il pût y avoir seulement la suggestion de pareilles équivalences, mêmes symboliques. Et l'on considérait avec une indulgence gênée les litanies venues des couches les plus mal dégrossies de la population, et selon lesquelles, déjà, pour peu que la peine prononcée n'ait pas été assez forte au gré de la famille, c'est comme si Omar était assassinée une deuxième fois. Certainement pareilles formules se faisaient entendre, déjà, bien avant l'invention des Omar, des inconnus de tazmamart, des connus de dar el mokri. On faisait semblant de n'avoir rien entendu. La Justice, la loi ni Mr Benzekri ne songeaient pas un seul instant à s'en inspirer.

Commençons donc par condamner, et sévèrement, pour le pardon on verra après.

Kb... à qui vous accorderez sûrement votre pardon d'avoir été un peu long

mercredi, septembre 14, 2005

Desiderata apolitique


Comme j'en avais parlé dans un post antérieur dans lequel j'annonçai le programme des mois à venir, et après avoir consommé, non sans quelques embardées poétiques, le mois de la nouvelle, nous voici en plein dedans du mois de la rentrée, présagé comme propice au discours politique. Et en cette matière, comme dans tant d'autres, j'ai le vilain défaut de transcender dans mon approche analytique… donc je vous préviens, je ne vais pas y aller avec le dos de la cuillère



Pouvons nous survivre (vivre est un concept inconnu de la majorité marocaine), en tant que nation, sans roi?

Toute la problématique socio-politique marocaine réside à juste titre dans ce questionnement.
Je ne sais pas si vous mesurez toute la portée dramatique de la chose mais ce questionnement viens mettre le doigt exactement sur cette protubérance maladive qui obnubile toute la perception identitaire, politiquement parlant, qui engendre ce que l'on pourrait appeler "le besoin d'illusion des classes moyennes".

Je suis certain que beaucoup d'entre vous effleureront cette altération perceptive en qualifiant l'attitude réactionnaire du peuple comme conséquente à la peur…oui la peur. Seulement nous sommes nous demandés (je m'inclus dans le lot de la classe moyenne) ce que nos peurs masquaient de nos désirs? Dans une approche globale (plus sociologique que politique) observons comment nos désirs avaient fait germer nos peurs. Si je désire être dans les bras de ma mère, j'ai peur qu'elle ne me repose dans mon berceau. Si je souhaite posséder quelque chose, je crains de ne pas l'obtenir ou de le perdre. Peur et désir sont comme concave et convexe, l'un ne va pas sans l'autre…

Et comme les extrêmes se rejoignent, j'ai aussi peur de ce que je désire ardemment. Lorsque j'ai peur de vivre, j'ai peur de ne pas avoir peur de vivre…je me méfie de mon désir, je ne fais pas confiance au jaillissement de la vitalité qui est en moi. Je suis infidèle envers moi-même et je finis par m'enraciner dans la croyance que c'est ma peur qui me trahit!
Nous ne pourrons nous débarrasser de nos peurs sans nous libérer de nos désirs. Nous croyons en être libre parce que nous les avons travestis. En quoi? En peurs! Le seul chemin qui nous guidera vers l'unité à laquelle nous aspirons, c'est de reconnaître nos désirs et de les vivre.
Ainsi, dans ce travail inconscient de travestissement de nos désirs et aspirations profondes en matière de jouissance de nos droits sociaux, nous avons greffé aux plus puissants pourvoyeurs d'illusions du système capitaliste que nous subissons, l'illusion ultime d'un garant en la personne du ROI, position que le système monarchique s'est évertué avec talent à ancrer irrémédiablement en constitutionnalisant sa sacralisation.

Le système scolaire et universitaire entretient l’illusion de l’égalité des chances des enfants en matière de réussite et de promotion. Le système médiatique entretient l’illusion du pluralisme d’opinion et de la liberté d’expression. Le système politique entretient l’illusion que le véritable pouvoir est encore politique, et la présence du roi entretient l'illusion de la garantie de cette architecture.

Dès lors notre esprit peut concevoir, voir accepter, la substitution d'un des systèmes sus cités tant qu'il y a au dessus un garant qui préserve le respect de nos droits dans tout nouveau système alternatif, mais peut difficilement, voir pas du tout, accepter la substitution du garant.

Alors! Pouvez vous me répondre? Avez vous peur de ce que vous désirez vraiment?

Personnellement je ne puis vous répondre que ceci : Vivre ses désirs, c'est peu à peu les structurer pour y découvrir dans la transparence de l'attention, le désir plus profond qui nous anime, la soif plus vive qui nous met en chemin. Ce désir là ne connaît pas son contraire; il ne connaît pas la peur…et surtout n'a pas besoin d'un garant puisque nous sommes les seuls garants de ce que nous voulons être.

kb...assureur sans garanties

L'art et la manière




En faisant une petite recherche sur l'histoire de l'art je suis tombé sur cet interview d'Adrian darmon (journaliste et critique d'art) avec Dali. J'ai beaucoup apprécié la finesse de Dali :












Salvador Dali, avec sa canne à pommeau d’or et ses chaussettes rouges trouées parle de sa conception de l’art.

Dali : « Pour moi, la plus grande création artistique au monde est la gare de Perpignan »

A.D : Pourquoi ?

Dali : « Parce qu’elle est au centre du monde ! »

A.D : « Ça, c’est vous qui le dites ! »

Dali : « Justement, c’est parce que c’est moi qui le dit ! »

A.D : « Bien… Mais où vous situez-vous dans l’histoire de l’art ?»

Dali : « Comme le nœud ombilical qui relie le classique à la modernité, comme un lien au grandiose, comme un excrément majestueux dominant tout le reste des tas de merdes qui plaisent à un public ignare. Je suis un étron magique ! »

A.D : « Qui ne dédaigne pas l’argent... »

Dali : « ce n’est pas pour rien que l’anagramme de mon nom est Avidadollars ! »

A.D : «C’est mieux que Dalida Valors , que Salad Dolivar ou que Doris Lavada... »

Dali : «Certainement ! A moins que je n’eusse été une danseuse du Crazy Horse Saloon ! »

A.D : « Vous auriez peut-être aimé... »

Dali : «Le Crazy, c’est l’art du cul ! Mais là, on n’y connaît pas l’art du pet parfumé ! C’était une spécialité pratiquée par des filles expertes à Venise au XVIIIe siècle... Mais du cul à la culture, il n’ y a qu’un pas... »

A.D : « lequel ? »

Dali : « Celui que je vais faire en me levant pour rejoindre ma limousine… Au plaisir ! »

Salvador Dali, qui avait commandé un cognac, s’est levé en rigolant et a laissé à Adrian et ses copains de l’école de Journalisme, le soin de régler l’addition. Il ne s’appelait pas Avidadollars pour rien...


kb...histoire d'art

mercredi, septembre 07, 2005

Ombre

Sur le mur d'en face
j'ai peint la lune de ton sourire
quand l'ombre du cerisier
jouait la nuit


© kb

mardi, septembre 06, 2005

Evanescence

La rosée n'est plus que ce lointain souvenir d'une larme versée sur la fleur de nos amours fanés. Nos yeux arides ont cessé de pleurer les chemins qui nous séparent d'un flot de paroles vides où résonnent encore le désespoir d'un mot...d'une phrase ...d'un silence qui tente en un ultime coup de reins de raviver la flamme de nos désirs éteints. De notre passion pourtant naquirent les étoiles, illuminants nos regards de la couleur du ciel. Sans doute avons-nous du nous aimer trop fort, à crever la toile tissée par l'infini de nos instants éphémères. Laissons le temps recoudre de son évanescence cette blessure béante dans laquelle se consument les derniers reflets de nos vanités blessées. Peut-être alors, et pour toujours, notre amour renaîtra-t-il de ces cendres...

© kb

les quatres saisons de Leezie


Leezie, dans la rubrique "la place des francophones" sur le site Francopolis (site dédié à la poésie en francophoinie, vient de faire une très chouette présentation sous la forme d'un recueil en bruit et en couleurs, douce mélodie que nous chante le temps qui passe.
On aimerait toujours le voir passer de cette façon...sur nos écrans. Merci Isabelle..la cathodique :) :)

c'est ici que ça se passe

kb...ka tout dit

dimanche, septembre 04, 2005

Suave

crépuscule - Acrylique de Marie Poirier


















Quand s’en vient le soir, firmament douloureux où s’accroche un moment l’horizon en flammes, la lumière blafarde que ta voix de louve suave murmure à mes sens en éveil me raconte l’amour. Sur ma peau tes caresses, en soupirs, fredonnent au chant des bacchantes mon désir que tes seins haranguent. Tu m’enivres, tu m’attires chaque nuit dans le temple du plaisir où le verbe aimer se conjugue à Tristan et Iseult. Au petit jour je serai encore seul.

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