MA ROQUINERIE

"laissez l'onde aller légère aux sources du souvenir...c'est là que se trouve le meilleur à venir" kb

mercredi, juin 22, 2005

Le malandrin pourpre




A l’aube du temps
Il y a de cela bien longtemps...



La Naissance





En ce matin de gai printemps il s’en était vraiment fallu de peu que le joli pinson, harnaché de ses plus belles couleurs ne manqua d’avoir un sérieux haut le cœur. Alors qu’il pérorait tranquillement avec sa compagne qui roucoulait tout en douceur, il fut l’objet d’une grande frayeur. l’arbre par deux fois centenaire qui abritait leur bonheur à la sérénité précaire se trouva secoué, ébranlé, outré même par la chute d’un étrange fruit qu’il se défendait avec force de bruit d’avoir enfanté, rageant contre dame nature de l’avoir ainsi jeté en pâture au bon vouloir d’un génie désabusé ayant de son pouvoir fortement abusé.

L’étrange progéniture avait poussé en une seule nuit telle une pourriture étalant sa vile excroissance sur la commissure d’une lèvre pourpre, couleur dont se nourrissait l’horrible malfaisance. C’est ainsi qu’au lever du jour, participant sans le vouloir à la magie de ce tour, le soleil étonné de cette impromptue naissance, darda le fruit de sa chaleureuse présence, lequel, sous l’effet de l’émanation bienfaisante et attiré par la texture d’une terre accueillante, se détacha de la branche vaillante qui supporta toute la nuit les turpitudes insanes de sa naissance infâme. L’arbre ancestral hurla au drame, secouant ses feuilles qui tremblaient de peur devant son incommensurable et légitime fureur. Le vent Zéphyr, agréable et doux de nature, se mêla aux branches et vint surenchérir en gémissant la complainte du patriarche agonisant.

- « ô belle nature si souvent ingrate !
que ne m’aies tu point doté de ta sève agate
qui a pu nourrir de la pensée de mes rêves
l’immondice ayant pour corps cette horrible fève
».

Oui ! oui ! » répétait Zéphyr. « C’est elle ! c’est cette dame nature qui est à l’origine de votre torture », trouvant là un prétexte abject pour vilement se venger de la belle dame d’aspect, objet de ses langoureux soupirs, témoins d’un ardent et secret désir. Ayant tant de fois repoussé ses propos avancés, elle l’avait dans un lointain passé gravement offensé.

Oui ! oui ! » répétait-il.

- « Au lieu de veiller à l’harmonie du décor elle se vautre dans son lit d’aurore avec ce vent froid et joufflu qui ne sait rien d’autre faire sinon la pluie ».

Jamais un vent jaloux n’avait soufflé avec tant de haine une si insolente rengaine. Pourtant ça n’était point là son habitude d’utiliser un langage si rude. Mais allez donc comprendre la rancœur qui ronge de décrépitude les cœurs n’ayant pu satisfaire un élan qui se voulait sincère.

La chute du fruit innommable fut un événement mémorable. Jamais de mémoire céleste les cieux ne furent traversés par pareil lest dont la chute dantesque évoquait une horrible fresque. Les milliers de regards qui sur lui se posèrent, étaient tellement concentrés que l’air un moment ils figèrent par une étrange densification, ralentissant la fin inévitable du vol grotesque de cet avorton indésirable qui fit sensation. L’abomination battait désespérément l’air de sa forme au rouge pervers, essayant de se rattraper à la branche sectaire qu’elle prenait pour sa génitrice de mère. Celle ci, bien contente d’être débarrassée de ce poids qui l’avait tellement harassée, relevait ses feuilles avec un évident dégoût évitant ainsi le contact de ce rejet mou. Elle prouvait par ce geste plein de décence que sa pure et précieuse essence n’avait rien à voir avec cette putride naissance. La pauvre créature, après de vaines tentatives commentées d’injures, ne trouvant en ce monde d’autre salut plus sûr, se laissa choir sous l’emprise du désespoir vers sa nouvelle nourrice qui ferait tout pour que la semence pourrisse. Zéphyr continuait ses ritournelles rebelles augmentant la douleur de l’arbre bel.

je ne sais quel augure au pressentiment mauvais vient nous prédire la chose par votre sève larvée »

zéphyr mon ami de toujours jamais de mon temps jusqu’à ce tour je n’ai ressenti pareille peine telle que celle en ce jour coulant dans mes veines »

on voit que ça n’est là nullement votre œuvre, vous n’avez point l’habitude de ces viles manœuvres. C’est j’en suis sûr cette maudite pieuvre de dame nature que le vent roublard désœuvre. Je ne sais d’ailleurs comment elle fait pour supporter l’étreinte moite de ses méfaits »

je trouve votre conclusion hardie d’accuser la dame de perfidie. comment la parfaite beauté peut elle nous infliger d’autant de cruauté »

croyez moi je vous l’assure la beauté souvent se parjure et pêchant par un excès d’orgueil revêt parfois des couleurs de deuil ».

Se saisissant du rejeton en dansant, il virevolta dans le bosquet en tourbillonnant, exhibant le produit ironique de l’éclosion maléfique.

Regardez ! Observez le produit de la truie ! la belle dame nous a pondu un drille ! ne voyez vous pas son écarlate tunique qui témoigne de ses ébats lubriques ! »

Cesse donc Zéphyr ! » cria le pinson. «Tu vas nous faire encourir sa colère par tes paroles grossières. Laisse choir ce bourgeon retors ! la terre s’occupera bien de son sort ! ».


La Tempête




Comme si elle n’attendait que le chant du pinson pour se manifester, la dame sublime profita de cette occasion infime pour se dévoiler dans toute sa splendeur, précédée par la bourrasque du vent râleur qui envoya Zéphyr s’accrocher aux branches de l’arbre rageur.

Abandonné dans le tourment des airs la mauvaise graine tournoya sous le regard austère de l’arbre séculaire puis, subissant les lois de l’apesanteur, alla finalement se planter avec une obscène lenteur dans une terre à l’agréable senteur.
Habillée de sa robe de printemps qui sentait bon le chiendent, la dame au regard coloré s’adressa à Zéphyr de sa voix dorée :

vous allez vite en besogne vent aux relents de charogne ! Il faut être une tête forte pour oser me traiter de la sorte. Trop longtemps j’ai fermé les yeux sur vos commérages qui chagrinent les cieux par leur odieux ramage».

Le vent ciblé par cette critique répliqua de manière franchement épique.

voyez vous donc ! c’est moi qui suis traité de charogne !pendant que votre amant joufflu nuit et jour vous besogne et qu’à ces futiles ébats il sue et il grogne, sachez gente dame que de ce relent de charogne dont vous m’affublez sans vergogne, je débarrasse votre nature friponne dont l’écho des râles de votre luxure à nos oreilles sans cesse résonne».

Chargé d’une volontaire intention dénuée de tact, les paroles cinglantes du vent vibrèrent de leur impact. La dame nature blessée par l’allusion outrancière vît ses couleurs s’assombrir d’une teinte foncière . Elle se couvrit de nues épaisses chargées de son immense détresse et laissa son intime compagnon de son puissant souffle faire acte de réparation. Sa fureur déferla en ondes successives constituées par des éléments à la force subversive. Ainsi le feu l’eau et l’air s’associèrent dans cette colère pour s’en prendre au malheureux à la verve légère. Le bosquet tout entier essuya ce revers engendré par les dires d’un vent au langage très vert. Jamais auparavant le fabuleux sanctuaire qu’était ce paisible endroit de la terre ne ressembla de si près à l’enfer. l’air sous l’invective de la grogne du vent faisait tournoyer l’onde en multiples tourbillons qui prenant de la force se lançaient en giboulées féroces sur le pauvre zéphyr dont jaunissait le rire. Les éclairs, accompagnés par des grondements de tonnerre, zébraient la teinte assombrie de l’air augmentant d’une sinistre manière le surnaturel de l’affaire. L’étrange lueur émise par la folie des éléments arrivait jusqu’à la mer au bleu tourment provoqué par la soif de connaître le fameux auteur de ces troubles fauteurs. Curieuse de savoir ce qui se tramait là-haut l’eau aux reflets si beaux s’élevait en une série de vagues dont la blanche écume ravissait les algues, essayant d’intercepter d’un furtif regard quelques images de cette étrange bagarre. Hélas, l’onde retombait sans cesse se brisant sur la grève en un fracas de détresse faisant râler les roches noircies qui maudissaient cette fâcheuse manie qu’avait la mer à sauter pour assouvir de sa vision bleutée une curiosité réputée. Ce jour là, son vilain défaut exacerbé à l’extrême fit qu’elle s’éleva d’une hauteur suprême pour aller s’écraser plus loin que d’habitude sur le pauvre sable qui lézardait au soleil. Elle s’abattit sans crier gare sur le malheureux qui s’en trouva tout hagard par cet horrible fracas qui à ses oreilles causa tant de tracas. Le sable cinglé par cette lame glacée suffoqua et se mit à tousser. Il cracha par des milliers de trous un nuage d’embruns roux.

- « mais que vous arrive-t-il ma belle pour que vos flots se fassent rebelles ? »

la dame retira prestement son corps humide puis revint vers le sable d’une manière timide. Elle avançait et reculait ne sachant quoi dire à part quelques clapotis au délicieux murmure qui suffirent à calmer le sable à la dorée parure.

mais ne voyez vous pas ces étranges lueurs prédisant je ne sais quel malheur ? » finit elle par lui dire

- « que pouvons nous y faire ! la dame nature connaît son affaire. D’ailleurs j’ai oui dire qu’elle voyait d’un mauvais œil votre curieuse insistance de vous immiscer dans ses instances par vos vagues espionnes dont la hardiesse l’étonne »


- « qui à bien pu vous raconter pareilles sottises ! »

- « malgré mon inerte lenteur j’ai aussi quelques informateurs » répondit le sable moqueur

- « ça ne peut être que cette mauvaise herbe encrassée qui de ses racines ne cesse de vous caresser »assura l’onde blessée.

- « On vous a vu ma chère remontant le fleuve, trahie par votre bleue parure, jusqu’aux collines du bosquet à l’abondante verdure »

- « c’est j’en suis sûre cette roulure d’herbe coureuse qui étend ses mains en gerbes baladeuses sur toute nature sableuse »

- « jalouse ? » souffla le sable d’un embrun au reflet vert narguant ainsi la dame à la couleur de fer.

Vexée par le ton ironique de son éternel compagnon et par les jérémiades des rochers grognons, l’onde se retira très loin laissant apparaître les milliers de parasites qui sous son manteau bleu résident. Le sable, objet de leurs regards inquiets, se renfrogna et leur murmura tout bas

- « n’ayez crainte, elle boudera quelques heures et reviendra se frotter à moi pleine de bonheur».

Pendant ce temps le vent continuait en chantant à harceler le pauvre zéphyr qui de son souffle devait bien souffrir

- « cesse donc vent de malheur » criait-il ! «tu me donnes mal au cœur »

- « tant que tu n’implorera pas le pardon de la dame je veillerai à ce que l’enfer te damne »

- « mais quel pardon prêche tu donc ! celui du fort qui fait plier les faibles joncs ! serais tu par l’amour si aveuglé pour voir que le souffle par ta bouche meuglé devrait s’en prendre à ta compagne frivole de renom qui utilise sans scrupules ton unique talent d’étalon. C’est elle l’unique fautive, génitrice de cette excrétion maladive » .

Face à ces paroles rebelles le vent obnubila de plus belle. Son souffle persista pendant des heures tel le hurlement d’un dragon rageur. Ce n’est qu’à l’approche du soir, soulageant Zéphyr de son désespoir, que la dame nature habillée de reflets pâles héla son compagnon d’un râle :

- « allons ! oublies ce malappris ! je n’ai pour lui que du mépris. Nous avons encore tant de collines à faire fleurir. Ne gâche donc pas tes forces avec ce sbire. Les essaims de pollen attendent ton souffle de longue haleine pour fertiliser la terre et la parer de ses couleurs d’Eden ».

Lorsque la nuit à la voix feutrée couvrit de son manteau le bosquet outré, les effets savamment conjugués de la rosée nocturne et des rayons de lune apaisèrent quelque peu les tourments des événements diurnes.




La Goutte d'eau




Le matin suivant, l’aube qui eut vent du fâcheux événement par les racontars amers d’un vent solitaire arriva chargée d’amertume se faufilant derrière une épaisse brume. Elle s’arrêta un moment et contempla l’embryon. Choquée par la vue de cet étrange rebut, elle poussa un soupir réveillant zéphyr.

Serait il vraiment le père de cette misère » murmura-t-elle à l’intention du vent qui prenant les devants lui raconta en détail par les mots choisis d’un riche éventail les événements de la précédente bataille. Entendant leur murmures qui résonnaient comme un bourdonnement d’abeilles dans ses multiples oreilles, L’arbre aux couleurs vermeils encore ensommeillé secoua ses feuillets pour les réveiller.

debout vertes myriades !Faites reluire votre couleur de jade car la journée qui se présage promet d’être riche en bavardages.»

- «Auguste père qui est le notre»répondirent les feuilles indignées à l’apôtre « notre couleur a depuis longtemps revêtu la teinte carminée de l’autre. Celui qui n’est point encore nommé et que votre précieuse essence vient de cochonner»

A la véracité de ces mots l’arbre de la veille se remémora les maux. La douleur l’envahit alors comme une onde sauvage faisant trembler son abondant feuillage. La honte se mêlant à l’incompréhension faisait bouillir sa sève de multiples sentiments qui, n’arrivant pas à les définir se mit à sûrement les honnir. Il darda son multiple regard sur l’inattendu bâtard et à sa rutilante vue ne put refréner en lui une sensation nouvelle qui se manifesta par un sanglot rebelle. Le pleur se répercuta en une vibration mélodieuse de la cime de l’aïeul jusqu’à sa racine fouineuse, amenant les milliers de gouttelettes de rosée qui sur les feuilles se reposaient, à glisser d’une manière cadencée jusqu'à la plus basse branche recensée et là, à s’agglutiner en une énorme larme juste à l’aplomb de l’empourpré marasme. La goutte prenant de l’ampleur bascula sur le bas du rameau en pleurs. Tel un œil globuleux elle fixait de son regard unique la semence inique, s’étirant de plus en plus essayant de reconnaître le ruffian qui venait de naître. Mal lui en prit et de sa curiosité pour le nervi elle paya chèrement le prix. Emportée par son énorme poids et son étirement maladroit elle se détacha de l’ascendance de bois en un grand bruit de succion provoquant dans le voisinage une grande suspicion. Au fur et à mesure que sa chute l’approchait de son rougeoyant but, l’horreur dans son âme transparente augmentait de façon alarmante. Sa funeste destination se transforma en une gueule béante prête à gober la succulente offrande. Dans un gargouillement guttural la pauvre téméraire mesura toute la portée de la notion éphémère. A peine venait-elle de naître qu’elle se voyait disparaître dans les pourpres entrailles de la vorace graille. Affolé par cette scène le bosquet à l’unisson scanda sa peine indigné par l’ignominie de la flamboyante graine.

- « Mon dieu, mon dieu ! il boit l’eau par le haut » piailla la femelle pinson.

- « Ce répugnant végétal ne peut être que l’œuvre du mal !» rétorqua sur le même ton le mâle.

- « j’ai pourtant drainé toute l’eau de son périmètre afin qu’il ne puisse s’en repaître et que pourrisse son être » pleura la terre.
Le soleil qui venait de faire son apparition rappela les nues en protection pour lui cacher cette incongrue abjection.

- « Je ne veux en aucun cas lui servir d’encas par mes rayons nourriciers et participer sans me soucier à sa croissance de malfaisance » s’excusa-t-il auprès de l’assemblée friande de sa chaleur irradiante.

Les commérages allaient bon train se perdant en prévisions et tergiversations sans fin quant à l’avenir du grain...


© khalid benslimane
le malandrin pourpre (extrait)

2 commentaires:

  • À 1:37 AM , Anonymous Anonyme a dit...

    wawoo!! C’est le seul mot qui me vient à l'esprit suite au voyage que je viens d'entreprendre dans un monde qui t'est "très propre".

    Pourrais tu nous faire la promesse de nous y conduire plus souvent?

    Mais honnête comme je suis et, avec tout le respect que je te dois virtuellement, je ne te cache pas le fait que ma joie de vous lire aurait été double si tes écrits étaient en arabe ou en amazigh …

    De toutes les manières …t’es marocain ! Et ça me rempli de fierté.

    Mes salutations à tous les passagers
    Ps : Merci pour ton commentaire !!

     
  • À 8:24 AM , Blogger kb a dit...

    bonjour yassine et merci de ta visite...je ne possède pas toutes les subtilités en matière d'écriture en langue arabe pour pouvoir transmettre le plus fidèlement possible mes vagues émotionnelles, mais je m'y attèle tout de même...quant à l'amazigh je commence à peine à l'apprendre grace au petit livre tres bien fait "ra n'sawal tachelhit" :)

     

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