MA ROQUINERIE

"laissez l'onde aller légère aux sources du souvenir...c'est là que se trouve le meilleur à venir" kb

lundi, juin 06, 2005

Je n'écris de poème que lorsque ma peau aime...

Nous étions nombreux, assis autour d'une table...je ne sais même plus quelle occasion nous réunissait là… réunir est sans doute un peu complaisant car à bien y regarder, nous étions tous là, comme des filaments d'un tissage ignorant de lui-même.

En face de moi, dans une robe anthracite, une femme à l'allure raide ou plutôt aride, (mais quelle importance puisque ce sont les mêmes lettres), m'observait depuis un court instant. Elle semblait de granit et je fus donc surpris lorsque ses lèvres frémirent et qu'il s'en échappa la phrase, ô combien conventionnelle :"et vous, que faites-vous dans la vie."

Je ne pus que laisser quelques points de suspension, abritant discrètement la désapprobation que m'inspirent les rencontres avec l'autre qui se résument à l'évaluation de leur savoir-faire...

Un peu par provocation, un peu par honnêteté, je lui répondis que je m'attelais à l'écriture de quelques poèmes.

"vous appelez ça des poèmes parce que vous trouvez ça beau ou parce qu'on ne comprend pas toujours?"

sa question m'apparut soudain infiniment triste...Qui avait bien pu froisser les ailes de cette femme au point d'en faire cet asile d'où elle semblait ne plus pouvoir s'échapper?

Comment lui dire que la poésie est comme une parole blessée, une parole interrompue. Comment lui faire sentir qu'elle est ce tâtonnement obstiné d'un verbe qui lutte contre l'érosion de la pensée. Qu'il y a dans chaque mot un tressaillement englouti que vient révéler une rencontre provisoire. Le langage imagé est souvent une alliance si vulnérable, si inutile qu'il peut ouvrir une trouée dans nos ciels obscurcis. Ces mots sont poussière, buée, lueurs vibrantes de rosée et leurs paysages sont les messagers du silence.

Je ne connais rien de la beauté... je crois seulement à une intuition de la beauté. Une intuition ou plutôt une intussusception de l'inaccessible; un engendrement par le logos, rendu possible par un esprit plus perméable. Une sorte de porosité de la peau, à ce qui l'informe dans une caresse sans cesse renouvelée. Le reste, sitôt que l'artiste se croit au centre de son œuvre, n'est qu'une affaire de goût ou de mode, mais peut-être pas de beauté.

Quant à ce que l'on ne comprend pas toujours, serait ce l'apanage de la poésie, seule? Ou la vie tout entière pourrait-elle être poésie?…

Je répondis finalement à cette femme, au plus proche de ma réalité: "je les appelles des poèmes parce que ce sont des lettres d'amour".

kb...peau d'âme

2 commentaires:

  • À 5:13 PM , Anonymous Anonyme a dit...

    Que faire ?

     
  • À 2:39 PM , Anonymous Anonyme a dit...

    K.B.

    Décidément ta plume est plus que fine... je me permets si tu veux bien de reprendre quelques phrases et de les mettre sur mon blog ...

    Sousou, qui aime le verbe même quand il est méchant avec elle;

     

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